Une configuration de marché inédite pour les financements par prépaiement
L’envol des cours de l’or depuis 18 mois permet de livrer moins d’onces pour un même montant emprunté, renforçant d’autant la compétitivité de ce mode de financement. Quant à l’augmentation des taux d’intérêt, elle a été partiellement compensée par le resserrement concommitant des spreads de crédit.
La configuration des marchés financiers a rarement été aussi clémente, pour les sociétés minières aurifères. Dès 2022, le retour de l’inflation a commencé à renforcer le rôle de l’or en tant que valeur refuge dans un contexte géopolitique en voie de durcissement. Aujourd’hui, c’est la perspective d’une baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine qui, même si elle a été retardée par la persistance de pressions inflationnistes plus fortes que prévu, renforce l’appétit des investisseurs pour le métal. Résultat, l’or s’est globalement apprécié de plus de 40% en à peine 18 mois.
Pour les opérateurs miniers, ce vif renchérissement renforce les perspectives bénéficiaires, et améliore les conditions de financement par prépaiement. De quoi s’agit-il ? Selon ce mécanisme, le créancier avance des fonds en échange d’un remboursement ultérieur sous la forme d’une livraison d’un volume prédéfini de métal, jouant à la fois le rôle de financier et d’acheteur de la production. Or en augmentant la contrevaleur en dollar d’une même quantité d’or, la hausse des cours permet de livrer moins d’onces pour un même financement. L’impact est très loin d’être neutre : un engagement à hauteur de près de 500 onces suffit aujourd’hui à lever un million de dollars sur une échéance de 12 mois, quand il en fallait presque 600 il y a encore peu de temps. C’est un avantage certain pour les sociétés minières, qui couvrent très rarement l’intégralité de leur production et qui peuvent dès lors figer un prix de vente élevé en cas de retour sur des niveaux plus bas au moment des livraisons.
Des spreads de crédit en voie de resserrement
Restent les taux d’intérêt, dont les financements par prépaiement répercutent forcément l’évolution. Certes, ceux-ci ont brutalement augmenté depuis 2022 du fait d’un retournement des politiques monétaires afin de faire face au retour de l’inflation, compliquant le coût des financements. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Les effets de ce changement de régime sont en réalité atténués par deux facteurs. Commençons par les spreads de crédit, qui représentent généralement jusqu’à 8 à 10 points des coûts de financement appliqués aux sociétés minières. Cette prime de risque exigée pour tenir compte des incertitudes inhérentes à cette industrie a tendance à se ressérer mécaniquement en cas de hausse des taux, contrebalançant partiellement l’effet de celle-ci sur le coût global de l’emprunt.
Par ailleurs, le renchérissement de l’or depuis 18 mois augmente généralement la génération de cash flows par les sociétés minières et améliore en retour leur qualité de crédit. De quoi réduire leur profil de risque et donc, leur spread de crédit, ce qui permet d’atténuer ici encore l’impact des taux d’intérêt élevés. Enfin, la perspective attendue pendant la deuxième partie de l’année d’un début de cycle de baisses des taux directeurs américains commence à se répercuter sur les coûts de financement à long terme via un aplatissement de la courbe des taux.
Compenser la désertion des banques
Tout cela est une excellente nouvelle, pour les opérateurs à la recherche de capitaux pour financer leurs investissements ou même leur exploitation. Entre la hausse de la contre-valeur en dollar de leur production à venir, la détente espérée des taux d’intérêt et la réduction des spreads de crédit, ceux-ci bénéficient d’une fenêtre de tir unique pour se financer à bon compte par prépaiement. De quoi renforcer l’intérêt de ce mécanisme de financement particulièrement adapté à cette industrie, à l’heure où les contraintes règlementaires et prudentielles poussent de plus en plus les banques à déserter ce segment de marché.