Aucun signe d’affaiblissement de la fièvre jaune
Conférence LBMA sur les métaux précieux, Miami 2024
Comme chaque année, régulateurs, producteurs et investisseurs se sont réunis lors de la conférence de LBMA pour discuter des défis auxquels est confronté le secteur des métaux précieux, de sa dynamique de marché et de la contribution croissante de l’ASM à son développement. Xavier Miserez, Corporate Development Director chez OCIM, et Etienne Bossu, Chief Trading Officer chez electrum, étaient présents. Voici les principaux enseignements qu’ils ont tirés de cet événement hors norme.
Les conquistadors espagnols du XVIe siècle avaient certainement la fièvre jaune lorsqu’ils cherchaient la fontaine de jouvence au large de la côte du Trésor. Ils n’ont malheureusement pas trouvé d’or lorsqu’ils se sont aventurés en Floride continentale et en ont même perdu beaucoup lorsque leurs navires frappés par des ouragans ont coulé dans le golfe du Mexique.
Cette année, les principaux acteurs du secteur des métaux précieux se sont également réunis à Miami, mais cette fois-ci dans le cadre de la conférence annuelle LBMA. Animés de la même passion pour l’or que leurs ancêtres, les participants n’ont montré aucun signe d’affaiblissement de la fièvre pour le métal jaune. Le prix de l’once est en effet passé de 1.900 à 2.700 dollars au cours des 12 derniers mois. Cette hausse record de 43 % a logiquement attiré une attention croissante sur cet actif. La traditionnelle barre d’or de 400 oz présentée chaque année lors du dîner de gala a ainsi dépassé le prix d’un million de dollars en 2024, soit bien au-delà des 760.000 dollars de l’année dernière. Pas étonnant, dans ces conditions, qu’elle ait été si bien gardée par les agents de la Brinks. Malgré sa valorisation élevée, l’or a également continué à faire l’objet d’une forte demande de la part du secteur de la joaillerie. La conférence intitulée « Asia Effect on Precious Metals » s’est d’ailleurs penchée sur les facteurs économiques, géopolitiques et culturels qui stimulent la demande et façonnent l’offre de métaux précieux sur les principaux marchés asiatiques.
Pas encore de vendeurs convaincus, malgré des valorisations élevées
Comme toujours, outre les conférences, l’événement a été un excellent forum pour échanger les points de vue sur le marché. De ce point de vue, l’assistance a été largement unanime au sujet de l’or, citant comme moteurs de la poursuite de son appréciation l’assouplissement général des politiques monétaires mondiales, les risques géopolitiques et l’agenda électoral dans des pays clés. Alors que les participants s’accordaient à penser qu’une correction temporaire des prix serait salutaire en raison d’une forte position longue, nous n’avons pas rencontré de vendeurs convaincus, mais plutôt des acheteurs prudents compte tenu des niveaux déjà élevés. Si très peu de participants semblent chercher à établir de nouvelles positions longues, nous avons pu pressentir que la prochaine vague de demande pourrait provenir du marché physique, les ETF étant encore un peu à la traîne par rapport aux positions constatées sur les contrats à terme du COMEX.
La demande émanant des banques centrales était aussi sur toutes les lèvres, avec une prédominance attendue des acteurs asiatiques lors des phases de baisse. Mais pourquoi l’or est-il important pour les banques centrales ? Principalement parce qu’il contribue à une bonne gestion des réserves en raison de sa faible corrélation avec les autres classes d’actifs. En 1986, l’or représentait 50 % des réserves de change des banques centrales, alors estimées à 550 milliards de dollars. Aujourd’hui, sa part relative n’est plus que de 15 % des 13.000 milliards de dollars de réserves mondiales (soit 1.950 milliards). Compte tenu du niveau d’incertitude macroéconomique, les trois banquiers centraux présents ont convenu qu’ils s’attendaient à ce que la part de l’or augmente dans leurs portefeuilles.
A noter que si la plupart des achats souverains ont lieu à l’étranger afin d’en faciliter la gestion (notamment dans les chambres fortes de Londres, la City étant un centre commercial clé pour les métaux précieux), un intérêt croissant pour le rapatriement des avoirs est constaté ces dernières années pour des raisons politiques et de perception locale. Reste que les banques centrales conservent une approche globalement traditionnelle du marché de l’or et concentrent leurs transactions sur le marché au comptant, laissant de côté les produits dérivés. Chez electrum, nous croyons fermement que les produits dérivés peuvent être une grande source d’alpha lors de la négociation de métaux précieux, en particulier parce que la liquidité des options COMEX s’est significativement améliorée au cours des 10 dernières années. C’est notamment le cas lors des périodes de turbulences où la volatilité peut être monétisée. Un sujet qui a fait l’objet d’une autre conférence passionnante.
Une dynamique positive pour l’argent également
Si l’or a occupé le devant de la scène pendant ces deux jours, les autres métaux précieux n’ont pas été absents de nos conversations. Le métal blanc a également eu son heure de gloire. La plupart des participants attendent avec impatience que l’argent se rapproche des 35 dollars l’once au vu des performances de l’or depuis le début de l’année, grâce à des fondamentaux solides et d’applications industrielles plus diversifiées que pour les platinoïdes. Malgré une certaine reconstitution des stocks en Asie, il est intéressant de constater qu’au-delà de 30 dollars l’once, les utilisateurs finaux commencent à se tourner vers des métaux alternatifs et que de plus en plus d’acteurs du marché établissent des parallèles entre l’argent et le cuivre.
Après des mois de prix déprimés, le palladium rebondit enfin grâce à ce qui semble être principalement une histoire de rachat de positions courtes initiées dans le sillage de la fermeture de la mine de Sibanye. Nous avons noté un intérêt certain pour les positions longues, le marché passant d’une situation de léger déficit à un équilibre entre l’offre et la demande. Il est difficile de dire où se situera XPD, mais nous pensons que les perspectives du secteur automobile sont trop sombres pour alimenter un mouvement haussier durable. En ce qui concerne le platine, nous continuons de penser que les fondamentaux soutiendront le métal étant donné que le secteur automobile devrait produire plus de PHEV et d’EREV que de BEV purs. Cependant, nous avons besoin d’un regain de la demande de solutions de mobilité pour vraiment propulser le XPT au-dessus de 1.100 dollars. La question de l’attribution d’un greenium au platine a également fait l’objet de nombreux débats et nous pensons personnellement qu’elle n’est pas encore pleinement reflétée dans les niveaux de prix actuels. Mais « il y a des raisons de se réjouir », comme l’a justement intitulé la LBMA lors de sa conférence sur les platinoïdes.
OCIM aux côtés de la LBMA pour soutenir l’intégration de l’ASM
La LBMA ne se contente pas de mettre en relation les régulateurs, les producteurs et les investisseurs. Elle joue également un rôle de premier plan dans l’écosystème de production. À titre d’exemple, l’association a présenté cette année sa base de données Gold Bar Integrity (GBI), qui vise à assurer la traçabilité numérique de l’or et de l’argent tout au long de la chaîne d’approvisionnement mondiale, en confirmant la provenance et en assurant la transparence de la chaîne de conservation. Lorsqu’elle sera pleinement mise en œuvre, cette base de données changera la donne en matière d’approvisionnement responsable en or.
L’événement de deux jours s’est conclu par un forum sur la durabilité et l’approvisionnement responsable, qui s’est aligné sur le plan stratégique de la LBMA visant à soutenir et à intégrer les opérateurs miniers artisanaux et à petite échelle (ASM) dans la Good Delivery List (GDL) des raffineurs. A ce titre, OCIM est particulièrement fier de participer au groupe de travail ASM de la LBMA, qui a mis au point la boîte à outils ASM, conçue pour aider les raffineurs de la GDL à faire preuve d’une diligence raisonnable et à atténuer les risques qui y sont associés. Bien que l’ASM contribue à hauteur de 20 % à la production mondiale d’or, moins de 2 % sont actuellement raffinés directement par les raffineurs GDL. L’un des principaux objectifs d’OCIM est dès lors de contribuer à augmenter ce pourcentage à l’avenir. Pour permettre à ces chaînes d’approvisionnement d’accéder aux marchés internationaux, nous pensons que deux facteurs essentiels doivent être pris en compte :
- Progressivité – reconnaître que les chaînes d’approvisionnement de l’ASM auront besoin d’un soutien pour améliorer leurs pratiques minières.
- Le préfinancement – s’assurer qu’elles disposent des ressources financières nécessaires pour concurrencer le secteur informel.
Grâce à une amélioration continue, notre objectif ultime est d’aider ces producteurs à obtenir l’accréditation Swiss Better Gold, une association dont OCIM est membre aux côtés de marques prestigieuses. Cette accréditation permettra aux producteurs ASM de profiter d’une prime sur le prix de l’or, récompensant et reconnaissant leurs pratiques minières responsables.